Intéressante découverte (PV Sca'lai)

Les idées défilaient à une vitesse inouïe dans la tête de la Mizar Kappa. Elle pouvait toujours tuer M'yuan, puis faire comme s'il ne s'était rien passé, qu'il n'avait jamais vu le collier. Une fois qu'il serait mort de toute façon, elle n'aurait plus à cacher ce fichu bout de métal. S'il mourait toutefois, elle pouvait être certaine d'essuyer des conséquences beaucoup plus graves que celles qu'elle risquait à l'instant. Elle devait réfléchir vite, et bien. M'yuan ne pouvait pas être entré à cet instant précis, alors qu'elle se sentait aussi nue. Il fallait préciser bien sûr que cette femelle pouvait se promener en tenue d'Ève toute une journée sans en ressentir la moindre gêne. Par contre, si ce collier était à découvert… C'était une toute autre histoire.

-Je l'ai fait moi-même, bafouilla le mâle.

Sca'lai siffla entre ses dents. Évidemment qu'il l'avait fait lui-même, elle ne le savait que trop bien. Elle revit le mâle agenouillé devant elle. À l'époque il n'avait pas encore peur qu'elle lui brise la nuque d'un coup de patte couverte de griffes. La femelle dansa un peu sur ses pieds, mal à l'aise tout à coup. Oui, elle portait le présent qu'il lui avait offert pour lui déclarer sa flamme, mais cela ne voulait pas dire qu'elle éprouvait quoi que ce soit pour lui. Bien sûr, selon les traditions, cela signifiait quelque chose. Mais pas pour elle. Elle avait simplement été séduite par le bijou en lui-même, et avait désiré le porter. C'est pour ça qu'elle le cachait avec autant de soin. Quiconque aurait su qui le lui avait offert aurait tressé une couronne de mariage et l'aurait forcée à aller la déposer aux pieds de ce chef de clan minable.

Se penchant rapidement, Sca'lai termina de déchirer un morceau de sa coule blanche pour le nouer autour de son cou, s'attardant peut-être un peu trop longtemps à caresser les rubis qui ornaient le collier. Oui, elle était cupide. Elle aimait ce qui était beau, elle aimait les pierres et l'artisanat. Ce collier était magnifique et elle avait voulu le mettre, voilà tout.

-Remets tes yeux à leur place, M'yuan. Je n'irai pas t'attaquer à coups de couronne de fleurs dans ton sommeil.

Ni même pendant que tu es éveillé, songea-t-elle, furieuse. Comment, par la Lumière, avait-elle pu être sotte au point de retirer sa shoufa ? Pourquoi alors qu'il était si proche ? Elle soupire, se pencha à nouveau et enfila le reste du vêtement. L'ourlet ayant été déchiré, il ne lui arrivait plus qu'au dessous des genoux. Pas grave. Elle pourrait en faire une autre plus tard. Plus tard. Pour le moment, elle avait quelque chose à régler. M'yuan était toujours là à la contempler. Il n'avait pas bougé depuis un moment.

-Ça ne veut rien dire ! cria-t-elle en silence, dans un langage des signes horriblement saccadé. Absolument rien ! Tu comprends ?

Elle soupira, se laissa tomber, assise sur ses talons. Habituellement, dans cette position, elle posait sa lance sur ses genoux. Pas de lance pour la rassurer cette fois, lui assurer une prise sur la réalité.

-Ce collier ne représente rien, ajouta-t-elle, agacée.

Le chef de clan imita sa position, face à elle. Elle détourna le regard. Elle avait essayé pendant extrêmement longtemps de cacher ce collier. Elle l'avait fait souder en un seul morceau une fois qu'il avait été mis, parce qu'elle était sur cette nouvelle planète et n'avait aucune chance de croiser M'yuan… Aucune chance…

Sca'lai, raide, totalement sur la défensive, était même allée jusqu'à reculer de quelques pas avant de s'accroupir, comme une jeune Vierge effrayée. Elle n'avait pas peur, seulement elle craignait. Elle savait que, selon la tradition, le fait qu'elle portât ce collier signifiait qu'elle avait l'intention de déposer la couronne de mariage aux pieds de celui qui le lui avait offert. Seulement ce mâle se trouvait juste devant elle, accroupi devant elle, lui rappelant ce moment si lointain où il avait posé ses genoux dans le sable pour le tendre vers elle. À l'époque elle était jeune, et n'avait aucun désir de se marier. Elle collectionnait les présents venant des mâles depuis longtemps, et jamais elle n'avait accepté de se lier à qui que ce soit. Elle avait couché d'un côté et de l'autre, elle en avait séduit plusieurs, pour le plaisir, mais jamais elle ne serait allée jusqu'à renoncer à sa lance. Pour aucun homme, et surtout pas un membre du Thac, et encore moins à son chef.

-Du tout, cracha-t-elle dans un ensemble de grognements gutturaux auxquels elle donna une intonation mauvaise. Je t'ai donné ma réponse quand tu m'as donné le bijou.

À quelques filaments d'air du pan de la tente, elle arrêta soudainement de respirer, comprenant qu'elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas l'attitude de M'yuan et, le connaissant, il y avait deux interprétations possibles : soit il avait toujours espoir qu'elle désire le prendre comme mari, soit il avait peur d'elle à un point tel qu'il craignait que ce soit le cas. La main de M'yuan était toujours tendue, pointant le collier, comme s'il avait envie d'y toucher, mais qu'il avait peur de s'y brûler. Elle le regarda avec méfiance, le considéra avec le visage d'une pierre, considéra cette main qui avançait et reculait sans cesse pour finalement effleurer le métal sur sa gorge offerte.

Ce qui l'ennuyait le plus, c'était que si M'yuan décidait de tenir compte de la tradition, elle n'aurait pratiquement pas le choix de poser la couronne à ses pieds, et de ça, même son nouveau statut ne la protégeait pas. S'il lui interdisait de cacher le collier, elle ne pourrait pas désobéir, et elle savait que beaucoup de gens avaient vu M'yuan le lui offrir, des années auparavant. Ils sauraient, et elle n'aurait plus le choix. Soupirant, Sca'lai chassa la main du mâle d'un geste brusque

-Enlève-le, dit celui-ci. Tout de suite.

Sca'lai haussa un sourcil, pinça les lèvres avec agacement et se releva brusquement, offrant à ses genoux un étirement fort bienvenu. Elle attrapa le vêtement qu'elle n'avait pas eu le temps d'enfiler et le passa sur son corps, disparaissant sous cette étoffe blanche et soyeuse. Il lui restait toujours dans la paume cette shoufa improvisée.

-Je ne peux pas l'enlever, dit-elle avec des gestes fluides. Seulement le cacher.

M'yuan sembla réfléchir un instant. Visiblement, au grand soulagement de Sca'lai, il n'avait pas envie que les gens le voient.

-Non. Je veux que tu l'enlèves.

-Je ne peux pas.

-C'est un ordre.

Sca'lai gronda, défiant son chef du regard. Avec agacement, elle se tourna dos à lui et tira la coule blanche vers le bas pour découvrir le collier.

-Je ne peux pas l'enlever.

Et effectivement, c'était le cas. Les deux bouts du collier avaient été soudés l'un à l'autre, pour qu'elle ne le perde pas lors de ses transformations et pour qu'elle ne le torde pas d'une manière ou d'une autre.

La lutte au sol ne dura pas très longtemps. L'animal apeuré qu'avait l'habitude d'être M'yuan, et qui répugnait tant Sca'lai, semblait être devenu un animal terrorisé, pris au piège, et qui n'a d'autre recours que l'attaque pure et dure. La jeune femelle avait été franchement prise au dépourvu, ne s'étant pas du tout attendue à ce genre de comportements de la part de son chef. Pendant une seconde, elle s'était sentie admirative. Rien qu'une seconde. Après ça, son instinct de vierge de la lance avait pris le dessus, et elle avait rendu coup pour coup, morsure pour morsure, cherchant à se protéger. Il y avait du sang sur eux, maintenant elle le réalisait, alors qu'elle reprenait son souffle, immobilisant le mâle au sol avec ses bras et ses jambes. Il lui fallu un moment pour réaliser que le sang qui coulait en abondance sur le visage de M'yuan n'était autre que le sien, à elle. Elle cligna des paupières, relâcha son prisonnier et s'examina avec minutie. Elle avait une plaie profonde à l'épaule, une entaille à la poitrine, et un sourcil fendu sur le long. La plaie, elle le savait, nette et précise, était située directement sur les lignes de son tatouage. Voilà une cicatrice qui ne laisserait pas de marque très visible. Dommage. Sca'lai aimait bien celles qui se voyaient, car on pouvait dire avec fierté qu'on s'était battu avec telle ou telle personne ou créature. Elle soupira, examina son adversaire. Il avait une énorme morsure, assez profonde, sur le bras. Elle ne se souvenait pas de l'avoir mordu là : elle avait visé l'épaule, mais elle était intacte. Il n'avait rien au visage, mais elle devinait son ventre rougi par ses coups répétés. L'adversaire en question profita de son inaction pour s'échapper, et aller se recroqueviller dans un coin de la tente, marmonnant des paroles incompréhensibles tant elles semblaient murmurées. Elle remarqua que des larmes coulaient sur les joues du mâle.

-Quelle menace terrible ce chef, songea-t-elle, allant presque cracher au sol de dégoût.

Mais ce chef, qu'elle avait toujours regardé de haut, pour une fois, ne s'était pas écrasé devant elle. Il l'avait affrontée, affirmant ainsi, pour une fois, que c'était bel et bien à lui de prendre des décisions dans cet endroit. Il semblait réellement affecté par le fait qu'elle porte encore ce collier malgré les années qui s'étaient écoulées depuis qu'il le lui avait offert. Sca'lai s'en souvenait, de cette journée. Elle se souvenait du regard déchirant du mâle quand elle avait pris le collier et l'avait jeté dans le sable pour cracher dessus. Aucun mâle, absolument aucun, ne pourrait se vanter d'avoir été marié à cette femelle. Elle refusait de s'offrir ainsi, et de renoncer à tout ce qui lui était précieux. C'était le soir, quand personne ne fut en vue, qu'elle était allée rechercher le collier. Elle l'avait fait souder autour de son cou. Elle avait du reconnaître une chose : M'yuan avait mis beaucoup de temps sur ce bijou, et le fruit qui en avait été retiré était on ne peut plus admirable. Le collier s'agençait à merveille avec la personnalité de la femelle, elle ne pouvait le nier. Il y avait énormément de passion dans ce présent. Ça non plus elle ne pouvait le nier. Voilà pourquoi elle devait le cacher pour le porter, parce que le porter signifiait d'accepter cette passion, et de la partager. Ce qui bien sûr n'était pas son cas. Le bijou était beau, point à la ligne !

Elle leva les yeux vers M'yuan, et vit que celui-ci la regardait. Il ne pleurait plus, et ne cillait pas. Il s'était même un peu redressé sur ses talons. Sca'lai fit de même, pour être à la même hauteur et ne pas se laisser démonter. Mais le mot que prononça le mâle lui fit un choc et la fit plonger à genoux devant lui, la tête basse.

-Gai'shaine !

Très basse la tête.

-Tu as levé la main sur quelqu'un alors que cela t'est interdit. Le Gai'shain est soumis, et n'a rien en commun avec le reste des Mizaris ! C'est à un autre rang que j'aurais du te soumettre car ainsi, tu te déshonores !

Sa voix était dure, et comme à chacune des rares fois où il s'exprimait de manière correcte – avec des sons rauques et des mouvements fluides plutôt que saccadés – elle se recroquevilla sur elle-même. Il était si inhabituel de le voir confiant de sa qualité de chef que lorsqu'il s'affirmait ainsi devant elle, elle savait qu'elle avait poussé le bouchon trop loin. Avec lenteur, elle effectua deux gestes doux et discrets avec ses mains, qui signifiaient qu'elle était désolée.

listening to FMA - Undo

[excuse moi pour ce post merdique ... on en recommencera un autre ]

Étendue sur le dos, sur le sol sous la tente, Sca'lai tentait de reprendre son souffle, tranquillement, sans bouger trop. Sa poitrine se soulevait et s'abaissait à un rythme lent et irrégulier alors que ses yeux clos allaient et venaient sous ses paupières fines et fatiguées. La respiration sifflante, elle s'essayait à se ressaisir. Elle n'arrivait pas à croire que ça lui arrivait à elle, elle qui avait toujours respecté toutes les règles, sauf peut-être ces derniers jours. Mais elle n'avait pas eu le choix ! On l'y avait forcée ! Elle ne pouvait tout simplement pas renier ce qu'elle était. Et c'étaient ses réflexes de combattantes qui l'avaient empêchée de rester docilement tranquille alors qu'on la rouait de coups. M'yuan ne faisait tout cela qu'à cause de ce satané collier. Il fallait qu'elle trouve moyen de l'humilier, de se venger.

Elle ouvrit les yeux, et ce simple mouvement lui valut un gémissement qu'elle tenta comme elle le put d'étouffer. Elle savait qu'il y avait des gens autour d'elle, des gens qui se régalaient de sa souffrance, et elle ne voulait pas leur donner satisfaction, même si l'orgueil combatif était réservé aux combattants, pas aux gai'shaines et à ce qui était encore plus en dessous de ce rang, déjà peu enviable. Sur les couvertures, à sa droite, il y avait M'yuan, le chef, celui qui avait ordonné cette punition après qu'elle eut voulu lui reprendre sa lance alors qu'ils étaient seuls. Il n'avait qu'à ne pas l'agiter ainsi devant son nez. Il savait l'effet que ça lui ferait de la voir brandie par un autre. Sur sa gauche, il y en avait d'autres : Sachatta, ancienne Far Dareis Mar tout comme elle, qui ne l'a jamais vraiment aimée. Elle supposait qu'elle se régalait de la voir ainsi. Goth-eki était là aussi, l'un de ses nombreux amants. C'était lui qui avait aidé à la maintenant en place alors qu'on la rossait de belle manière. Photate était plus loin, la regardait maintenant comme si elle n'avait pas la moindre importance, alors qu'elle avait lu dans ses yeux, un peu plus tôt, le plaisir qu'il avait ressenti à lui assener le premier coup. Un coup direct dans le ventre, sans aucune retenue. Tous les gens qui avaient des raisons de ne pas l'aimer étaient présents dans la tente. Elle ferma à nouveau les yeux, et de sa gorge s'échappa un grognement sourd. Puis la voix de M'yuan monta, lui offrant un mal de crâne terrible. Ses tympans battaient le rythme contre son cerveau.

-À la prochaine attaque de ce genre, Sca'lai …

Elle siffla entre ses dents, mécontente. Attaque ! il l'avait provoquée en se servant de ses lances comme de vulgaires canes de marche. Elle avait mis son âme dans ces objets, un peu comme M'yuan l'avait fait quelques années plus tôt, dans ce collier qui était toujours caché, sur son cou. Elle écouta M'yuan l'avertir de sa mort prochaine si elle transgressait encore une règle du clan. Elle se vit de haut, hocher la tête, grogner un vague "oui" et laisser retomber ses pensées vers le fleuve tranquille du sommeil.

listening to Jet - Look What You've done